Des millions de tonnes de déchets à l’épuisement des ressources, du gaspillage alimentaire à l’agriculture intensive, de la pollution des eaux à ses pénuries, tant de contractions qui témoignent des limites du système actuel de notre société capitaliste. En considérant les fragilités environnementales et l’impact qu’a la construction dans la destruction et la pollution du monde, il est grand temps de penser autrement l’acte de construire. L’architecte se trouve aujourd’hui dans un tournant de la profession qui tient à lui d’engager.
L’équilibre qui existait autrefois entre les activités humaines, son habitat et l’environnement naturel a été rompu avec la croissance des villes, les exodes rurales et l’augmentation démographique. Depuis la révolution industrielle les campagnes se sont désemplies et les activités se sont progressivement centralisées dans les villes, devenues des pôles attractifs saturés. L’accroissement de la population qui se concentre dans des villes toujours plus grandes est incompatible avec un urbanisme répondant aux problématiques environnementales. C’est pourquoi un changement de paradigme s’impose. L’architecte devra peut-être à l’avenir user de son rôle de coordinateur dans une conscience plus globalisée, avec un spectre plus large d’acteurs, étendu à d’autres domaines comme l’ingénierie ou l’agriculture. Oscillant entre l’échelle du domestique et celle du territoire, il a déjà cette capacité à considérer le monde dans un spectre large de mesures, qu’il doit savoir croiser.
C’est dès aujourd’hui qu’il faut commencer à bâtir la société vers laquelle nous souhaiterions tendre en 2050. Nous nous projetons donc dans 30 ans dans une commune désertée du Beaujolais. Dans ce scénario, un acte de densification douce a redéveloppé le site, d’abord, par des interventions de réhabilitation des bâtisses en pierre, puis par de nouvelles constructions bioclimatiques injectées de façon chirurgicale. Les bâtiments profitant de l’inertie des murs en pisé et de ses excellentes qualités hygrométriques, associé à une isolation en béton de chanvre, sont peu gourmands en chauffage. Des serres orientées au sud et des murs “trombe” contribuent au maintient d’un environnement intérieur confortable en hiver.
Ce village est alimenté en électricité par une production d’énergie à différentes échelles, allant de la salle de sport de quartier à l’hydro-électricité d’un barrage en passant par des méthaniseurs agricoles. Un réseau d’ensemble constitué de rigoles et de cuves de stockage des eaux de pluie assure son approvisionnement en eau. Les eaux grises sont récupérées dans des bassins de phyto-épuration qui viennent alimenter en nutriments des buttes permacoles. Selon les principes de la permaculture, la production alimentaire s’y décline à plusieurs échelles. C’est toute une économie circulaire qui régie l’organisation du village. Les différentes entités qui le composent se connectent entre elles afin de réduire la consommation des ressources tout en redistribuant et réutilisant de manière intelligente les déchets. Toute matière devient ressource.
La tentative de considérer les aspects de production énergétique et agricole en lien direct avec l’architecture a permis dans la mise en place de ce scénario une intégration plus harmonieuse du domaine bâti à son territoire et à l’environnement.