Lauréats

[INTERVIEW ALUMNI] : G'Juliemm Kouamé

Diplômé en juin 2024 avec son projet de fin d'études "Les jours après demain : l'automobile comme ressource des possibles", G'Juliemm Kouamé a aussi remporté la mention spéciale du Concours ConstruirAcier avec ce projet. Il a accepté de répondre à nos questions pour nous présenter cet ambitieux projet de réemploi et de transformation des carcasses automobiles.

Portrait G'Juliemm Kouamé © Pierre Louis Mabire

ÉNSA Versailles : Pouvez-vous nous présenter votre projet Bloc-AUTO Factory : L’automobile comme ressource des possibles ?

GK : Le projet Bloc-AUTO Factory est une extension de mon projet de fin d’études en architecture. Il explore un modèle architectural innovant qui exploite les véhicules dits «hors d’usage» comme une ressource potentielle. En les transformant par un processus de pression appliquée, ce projet vise à repousser les limites de l’utilité des voitures en fin de vie, en interrogeant leur potentiel de recyclage et de réemploi.
Cette recherche expérimentale soulève une question fondamentale : que faire de ces véhicules devenus déchets, une fois que leur usage intensif les a rendus obsolètes ? Si la première partie de mon travail est principalement théorique et scientifique, le projet Bloc-AUTO Factory propose une double approche. D’une part, il matérialise la métamorphose des véhicules hors d’usage, et d’autre part, il exprime la nature du matériau recyclé, devenant ainsi une «manufacture-vitrine». Chaque étape de cette transformation implique une réorganisation spatiale spécifique, à la fois en termes de surfaces, de dispositions et d’usages de l’espace.
Pour accueillir un projet d’une telle envergure, le choix du site était crucial. J’ai opté pour un lieu situé en périphérie de Paris, à Noisy-le-Sec (93), un contexte hybride mêlant urbanité et industrie, situé entre le canal de l’Ourcq et les réseaux ferroviaires nationaux. Ce site est divisé en trois parties distinctes : une ancienne déchetterie de métaux aujourd’hui fermée, un jardin communautaire abandonné, et une friche urbaine adjacente aux voies ferrées, où s’accumulent depuis des années des déchets ménagers. Ce site a été méticuleusement choisi pour son abandon injuste, son histoire riche et son potentiel latent. Tout comme les véhicules hors d’usage, ce lieu est appelé à se réinventer pour trouver une nouvelle vocation.

ÉNSA Versailles : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à présenter ce projet au concours ConstruirAcier ?

GK : Bien que le projet corresponde parfaitement au thème du concours, « le réemploi et les friches urbaines », ma motivation allait au-delà de la simple participation. Je souhaitais confronter cette recherche à l’expertise des spécialistes du matériau acier, et dépasser le cadre académique du projet de fin d’études en architecture. En vérité, je vois en ce projet le point de départ d’une thèse de doctorat en architecture. Je suis convaincu que cette recherche recèle un potentiel réel et tangible.
En soumettant ce projet au concours ConstruirAcier, je cherchais à répondre à une question cruciale : cette recherche se limite-t-elle à produire des idées théoriques ou peut-elle réellement générer des connaissances applicables dans le monde concret ? Le concours était pour moi l’occasion idéale de tester cette hypothèse et de recevoir un retour critique de la part de professionnels aguerris.

ÉNSA Versailles : Selon vous, quelles sont les spécificités de ce projet qui ont séduit le jury ?

GK : Pour être honnête, le jour de l’oral du concours à Paris, je me suis retrouvé dans une situation plutôt inédite : le matin, j’avais cette présentation, et l’après-midi, ma soutenance de diplôme à Versailles. J’avais préparé deux discours distincts et apporté quelques maquettes pour illustrer mes propos.
À ma grande surprise, ce projet a été désigné Lauréat. Lors de l’échange avec le jury, j’ai perçu un fort intérêt pour la fiabilité de mes démonstrations, la rentabilité du processus et l’esthétique des détails architecturaux. Cependant, je n’étais pas certain de l’issue favorable de cette rencontre.
Je crois que ce n’est pas tant le projet en lui-même qui a séduit le jury, mais plutôt le processus créatif et les potentialités qu’il dévoile. Ce résultat, je le perçois comme un encouragement à pousser cette recherche encore plus loin, à explorer les avenues qu’elle ouvre et à contribuer à la réflexion sur le recyclage architectural et le réemploi des matériaux en fin de vie.